La lettre suivante vous est rendue disponible par le Département Des Moments.
Lettre de Aly Ndiaye
Bonjour à vous,
J’espère que vous allez bien malgré les circonstances.
Il n’est pas toujours évident de trouver les mots pour communiquer avec des gens que l’on ne connaît pas; toutefois, l’humanité étant notre dénominateur commun, j’espère que ces mots sauront trouver leur chemin.
Je m’appelle Aly Ndiaye, alias Webster, et je suis un artiste hip-hop; je voyage à travers les continents afin de partager ma passion pour la musique et l’écriture. J’ai aussi une formation en histoire et je me suis, avec le temps, intéressé à la présence noire et l’esclavage au Québec depuis l’époque de Samuel de Champlain.
Je suis né et j’ai grandi dans le quartier Limoilou, à Québec. Mon père est venu du Sénégal en 1970 pour étudier à l’Université Laval, où il a rencontré ma mère, une native de Limoilou. Mon grand-père maternel, Jules Mercier, travaillait pour les petits gâteaux Vachon à Québec, des pâtisseries qui ont sucré mon enfance. Ma grand-mère paternelle, Marietou Diop, habitait le petit village de Keur Samba Kane au Sénégal. Ne parlant que le wolof, je n’ai jamais pu communiquer directement avec elle, nous avions toujours besoin de quelqu’un pour nous interpréter l’un et l’autre. Toutefois, même sans les mots, j’ai toujours ressenti le grand amour qui nous unissait; c’est cette particularité humaine que nous avons d’échanger les sentiments sans avoir à les nommer.
Lorsque je donne des conférences dans les maisons de retraite, ma grande passion n’est pas de livrer l’information, mais bien d’entendre les gens me raconter leurs souvenirs. Il est fascinant pour moi d’entendre les histoires personnelles du siècle passé. Plusieurs d’entre vous ont vécu la Grande dépression, la Deuxième guerre mondiale, le Refus global, les assassinats de Kennedy et de Martin Luther King, l’alunissage, la Guerre froide, les feuilletons radio et l’arrivée de la télé (noir et blanc et puis couleur), la crise des missiles cubains et puis celle d’octobre 70, Expo 67, la grande Francofête, les deux référendums, internet et, plus récemment, la grande pandémie de 2020.
Vous avez vécu tous ces événements historiques en plus de ceux du quotidien, dans vos familles, au travail et dans vos paroisses. Chacune et chacun d’entre vous sont désormais des bibliothèques encyclopédiques du Québec du 20e siècle; j’espère, un jour, pouvoir parvenir à cette étape et être en mesure de me remémorer ce chapelet d’histoires, parfois heureuses, parfois tristes, mais qui, au final, déterminent ce que nous sommes. D’ici là, je souhaite pouvoir puiser en vous ces souvenirs qui constituent notre identité, en tant que Québécois et Canadiens, certes, mais, et surtout, en tant qu’êtres humains.
Merci d’être ce que vous êtes.
Je vous transmets mes salutations et toute mon affection. Bon courage,
Aly Ndiaye alias Webster